Questions fréquentes

Mes souvenirs semblent incohérents, irréels. Est-ce que j’ai tout inventé ?

Commençons par une réponse rapide, avant de développer : NON, tu n’as pas tout inventé.

On va développer tout ça en deux parties : d’abord, le cas des souvenirs qui paraissent faux, irréels, qu’on a parfois l’impression d’avoir inventé, puis le cas des souvenirs fragmentaires et/ou incohérents.
Les deux situations relèvent de facettes différentes d’un même processus psychologique : la dissociation.


Lors d’un évènement traumatisant, le cerveau se protège par un état que l’on appelle la dissociation. La dissociation, c’est un des moyens de défense de l’inconscient pour se protéger d’une information qu’il n’est pas capable d’intégrer. Pour parler familièrement, le cerveau dissocie pour « limiter la casse », c’est un mécanisme de survie.

Souvent, sur le moment du traumatisme, cela peut donner une impression soudaine de détachement, comme si on ne ressentait plus aucune émotion. Certaines personnes disent avoir l’impression de « sortir de leur corps » et de voir la scène de l’extérieur.

Lorsque la dissociation s’ancre dans le temps, on peut avoir l’impression de regarder sa vie de l’extérieur, d’en être simplement spectateurice, comme si on regardait un film.

Les souvenirs qui paraissent irréels, inventés

Les souvenirs du traumatisme, mais aussi tous ceux des évènements vécus en état dissociatif passent à travers ce même « filtre ». Il est alors possible de se souvenir de scènes d’évènements traumatisants, sans pour autant avoir l’impression qu’elles sont réelles, comme si on les avait vues quelque part ou qu’on nous les avait racontées.

Alors, dans un monde où la parole des victimes est souvent remise en cause, il peut arriver qu’on remette en doute notre propre perception, nos propres souvenirs, qu’on se demande si finalement, on n’a pas tout inventé, qu’on n’est pas en train de mentir sans s’en rendre compte. Mais les souvenirs sont bien réels, bien présents, simplement « bloqués », non digérés. Souvent, cela va de pair avec des troubles de stress post-traumatique : des sur-réactions à un bruit, une odeur, un mouvement, qui réactivent ces souvenirs et comme s’ils se déroulaient dans le moment présent.

Et pour ne pas simplifier les choses, les souvenirs que l’on garde d’un traumatisme ne sont pas linéaires, souvent fragmentaires, parfois même incohérents.

Les souvenirs incohérents

Cela est dû au même processus de « séparation » psychique que cause la dissociation. Celle-ci s’accompagne souvent de ce qu’on appelle « l’amnésie traumatique », qui peut être partielle ou totale. C’est-à-dire que le cerveau oublie des fragments de souvenirs, ou tout ce qui concerne le traumatisme, sur des heures, des mois, voire des années.

Il est possible de retrouver ces souvenirs, mais c’est un processus souvent long. Avant que les souvenirs ne reviennent de manière compréhensible, ils refont surface sous forme de sensations, d’émotions fortes et a priori irrationnelles, comme un sentiment de panique ou de danger imminent sorti de nulle part, des cauchemars, des phobies, etc.

C’est seulement dans un second temps que les images reviennent. Mais elles ne reviennent pas de manière chronologique, et parfois pas en totalité. On se retrouve donc avec une mémoire fragmentaire. De plus, comme le cerveau n’aime pas le vide, il tend à recoller les bouts, peu importe s’il manque des morceaux au milieu, d’où l’incohérence qui apparait, puisque tout est assemblé dans le désordre et sans prendre en compte les morceaux manquants.

Ces phénomènes ne sont pas rares, et interviennent d’autant plus si le traumatisme a eu lieu chez l’enfant, par une personne proche, ou est répété. Pour les traumatismes chez l’enfant, on compte 40% d’amnésie complète et 60% d’amnésie partielle (Brière, 1993 ; Williams, 1994 ; IVSEA, 2015).

En résumé

Si tes souvenirs te paraissent faux ou incohérents, c’est une réaction classique de ton cerveau après un traumatisme. Si à cela s’ajoutent des troubles du sommeil (cauchemars ou insomnies), des flash-back d’images traumatisantes, de l’hypervigilance, que tu évites certaines situations (par exemple certains contacts physiques, la foule, les situations où tu ne peux pas partir rapidement, etc.), ou que tu anesthésies tes émotions en consommant régulièrement de la drogue ou de l’alcool, c’est assez clair : tu vis quelque chose de l’ordre du stress post-traumatique, ce qui induit nécessairement l’existence d’un traumatisme.

Donc NON tu n’as pas tout inventé, même si tu ne peux pas raconter clairement et chronologiquement ce qui t’est arrivé.

Si tu veux en savoir plus sur la mémoire traumatique, la dissociation dans le cadre des violences sexuelles, tu peux allez consulter le site de la spécialiste Muriel Salmona. Cet article est documenté et inspiré de ses travaux.

Pour te faire une idée de si tu es atteint.e d’un syndrome de stress post-traumatique, voici un lien vers les outils de diagnostics qui existent. Nous te conseillons tout de même d’en parler à un.e médecin ou un.e psy* pour t’aider ! Tu peux trouver des adresses dans notre Carnet d’Adresses ou nous envoyer un message si tu as besoin d’aide pour trouver quelqu’un qui te convienne.