Témoignages

Il m’aura fallu des années et un stress post-traumatique pour réussir à écrire ça.

Il m’aura fallu des années et un stress post-traumatique pour réussir à écrire ça. Aujourd’hui, je sens qu’il faut que ça sorte, que c’est le moment pour pouvoir laisser tout ça derrière moi et guérir pour de bon.


La première fois, j’étais très jeune. On était chez des amis qui avaient 4 enfants. Le plus grand était un peu mon modèle, je l’aimais beaucoup. Et puis un jour, il a voulu me montrer quelque chose, seul dans une pièce. Je l’ai suivi, et il a fermé à clé derrière lui. Je me rappelle de ses trois frères qui guettaient derrière la porte. Il m’a demandé de lui lécher le sexe. Je ne voulais pas. Il ne me laisserait pas sortir tant que je n’aurais pas obéi. Je me rappelle tout. L’odeur de vanille, le lit superposé, les jouets partout et le coffre à jouets dans mon dos. Je me rappelle surtout le sentiment atroce d’être piégée, de ne pas pouvoir m’échapper. Ce sentiment qui me fait encore paniquer aujourd’hui, quelque soit la situation. Je me rappelle son goût à lui, quand j’ai fini par obéir pour pouvoir m’échapper. Et puis j’ai oublié pendant dix ans. Je me rappelle le moment où je m’en suis souvenue, le mal-être, la souffrance, le dégoût sans réussir à rien dire. Je me rappelle la peluche que je lui avais volé, un monstre orange aux pattes griffues avec des cheveux violets hirsutes, cette peluche qui a trôné dans ma chambre jusqu’à il y a quelques mois…


Je me rappelle de ce jour-là dans la cour de récré quelques années plus tard, où mon ami m’a embrassé de force, alors que 4 de ses copains me tenaient pour que je ne bouge pas. Je n’ai pas arrêté depuis de me dire que ce n’était pas si grave mais c’est déjà mauvais signe que 5 gosses trouvent ça normal d’immobiliser une fille pour l’embrasser sans qu’elle le veuille.

Et puis mon corps a changé, j’ai grandi, et j’ai commencé à plaire. J’avais 12 ou 13 ans, il en avait 18 et il m’aimait beaucoup. Trop. Je me rappelle mon père, alors que je revenais d’une soirée avec ce gars, me dire que s’il m’arrivait quelque chose, je l’aurai bien cherché à rester près de ce type. Je me rappelle quelques jours plus tard, dans la maison vide de ce fameux gars. Il avait une érection, souriait en me disant que j’étais trop jeune, et puis agrippant mes poignets et s’allongeant sur moi pour m’empêcher de bouger. Je me souviens de la panique. Et de son frère qui est arrivé, a compris, l’a jeté loin de moi. Cet été là, je faisais des crises terribles, je voulais que les gens voient, m’aident, mais j’ai juste réussi à être catégorisée comme la mytho qui guette de l’attention. Je me rappelle un autre jour avec ce gars, une soirée cinéma devant Titanic, on était 4. Il me touchait, j’avais honte, je ne voulais pas, je ne voulais rien dire pour pas que les autres voient. Je me rappelle un soir au bord de la piscine, lui et ses doigts en moi, mes amis quelques mètres plus loin mais j’avais peur qu’ils voient. Je me rappelle ses mots : « Quand je pourrai en mettre trois, tu seras prête ». Quelques jours après, je me coupais les veines devant cette même piscine, une inconnue s’est arrêtée, m’a consolée et j’ai bu mon premier Malibu. L’alcool faisait du bien.

Ce soir là, j’ai aussi rencontré un gars super, mon premier amour. Ce premier amour qui, alors que je me remettais à peine de notre rupture et que je dormais chez lui (nos parents sont amis), m’a supplié pendant des heures de coucher avec lui. Je me rappelle fermer les yeux et attendre. Je me rappelle le soulagement qu’il n’ait pas trouvé le trou, sans s’en rendre compte, et qu’il jouisse hors de moi. Je me rappelle le dégoût. Je me rappelle le lendemain, voir écrit en grandes lettres sur son statut MSN « Je ne suis plus puceau !!!! » et pleurer. A cette époque, je me cassais toujours quelque chose, ou je faisais des crises de spasmophilie, d’angoisse. Je VOULAIS qu’on voit, qu’on m’aide. Mes parents et mes médecins ont juste décrété que je cherchais de l’attention.


Et puis il y a eu ce gars. Le pire de tous. 7 ans de plus que moi, manipulateur. Il refusait de se protéger, et se foutait de mon avis, il faisait ce qu’il voulait de moi, quand il voulait. Notre premier rdv, au bout de 10 mn, j’étais allongée dans la merde de chien, derrière un stade, à peine cachée, à moitié nue. Mais le pire, c’était les violences. Une fois, c’est un passant qui a dû appeler une ambulance alors qu’il me rouait de coups, dans la rue, alors que je tremblais par terre. Une fois, après m’avoir terrorisée et menacée, c’est lui qui, tout tendre, m’a emmené à l’infirmerie en suppliant l’infirmière de prendre soin de sa chérie. Je me rappelle appeler à l’aide avec les yeux cette prof à côté de moi. Je me rappelle que ça n’a servi à rien. A ce moment là, je me privais de nourriture puis je mangeais à en être malade. Ce n’était pas de l’anorexie mais ce n’était pas normal. Et puis j’avais compris que tout ce qu’on voulait de moi c’était mon cul. Alors je me cachais derrière un épais maquillage, des vêtements moulants, de grands décolletés et de hauts talons. Et je clamais haut et fort que j’adorais le cul. Moi qui fermais toujours les yeux, faisait semblant de gémir en attendant que ça passe. Moi qui ai toujours tant de blocages.

Alors ce gars est arrivé. Il avait l’air gentil, il m’a aidé à m’enfuir, quitter mon mec violent. Et puis il a voulu que je maigrisse, que je reste maquillée pendant l’amour, et puis il voulait mon corps tout le temps, me suppliait, me menaçait de partir, de me tromper. Alors je cédais, il me trompait quand même. Non, ce n’est pas le pire, mais il a fini de me ratatiner.

Et il y a eu ce cousin. On s’adorait. Et puis il a changé. Il profitait des jeux d’enfants dans le noir pour venir toucher mes seins, me bloquant dans un coin. Et le soir, dans la chambre des enfants, il se glissait dans mon lit, se masturbait contre ma jambe, me faisait goûter son sperme, voulait que je couche avec lui. Ma mère me disait de l’éviter. Un soir, on regardait un film ensemble, dans le même lit pour avoir chaud. Je me rappelle ma mère en colère me dire que je le cherchais aussi, en restant dans un lit avec lui.

Je me rappelle la culpabilité, la haine.


Alors enfin, je suis tombé sur un mec bien. Maintenant, je suis cassée et je dois tout apprendre.
Mais je peux guérir. Je suis Indestructible.